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22 août 2012 3 22 /08 /août /2012 19:10

 

Le Faso-autrement a choisi le dernier jour de l’enrôlement biométrique, le 16 août 2012, pour sortir s’enquérir du déroulement de l’opération et constater le comportement de la population sur les sites. Ce sont au total sept bureaux d’enrôlement situés dans différents arrondissements différents que le président du parti, Ablassé Ouédraogo, accompagné de certains membres du bureau exécutif, a visités. Une excursion sous forme de caravane de presse qui a permis de faire le diagnostic de cette première phase de la biométrie.

Ainsi donc, c’en est fini de l’enrôlement biométrique. Probablement, les jours à venir, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) procédera à la publication des chiffres officiels sur le nombre d’inscrits. Tous les Burkinabè qui désirent voter le 2 décembre prochain, ont-ils pu se faire établir une carte d’électeur ? En tout cas, les témoignages des enrôleurs que nous avons rencontrés au cours de notre «caravane de presse» et le constat sur le terrain ne permettent pas de répondre par l’affirmative à cette question. Tout d’abord, il faut dire que pour le dernier jour, l’affluence dans la quasi-totalité des sites que nous avons visités n’était pas celle des grands jours. Premier point de chute, les bureaux 1 et 2 de l’arrondissement 2, situés dans la maison des Jeunes de Larlé. Ici, pour deux bureaux d’inscription, il y a seulement une vingtaine de personnes en attente. Harouna Ouédraogo du site 1 nous indique qu’il est à la 30e personne enrôlée depuis l’ouverture le matin à 8 heures, alors qu’il est 11 heures. Sur sa fiche d’enregistrement, nous pouvons constater que depuis le début il a enrôlé 1 415 personnes. Selon lui, l’affluence de ces derniers jours est moindre que celle des premiers jours. De là, nous mettons le cap sur Sig-Noghin pour y rencontrer les opérateurs des sites A et B. Sur les lieux, la mobilisation n’atteint pas le niveau de celle des bureaux précédents. Seulement six individus attendent d’obtenir le précieux sésame. A l’approche du kit d’enregistrement, un fait nouveau. L’enrôleur Victorien Sidibé est en train de prendre les informations d’un individu sur la base de la simple photocopie de son acte de naissance sous le prétexte que l’original est resté à la maison. Le secrétaire exécutif du Faso-autrement, Alphonse Sédogo, ne cache pas sa colère, dit-il et avec raison d’ailleurs, puisque Victorien Sidibé lui-même nous dit que sont uniquement admis pour l’enrôlement l’acte de naissance, le jugement supplétif d’acte de naissance, la carte nationale d’identité burkinabè, la photocopie légalisée de l’un des documents. Et pourtant, notre inconnu filera avec sa carte d’électeur ! Juste à côté de Victorien, Clovis Ouédraogo, lui, vient de loin. Il a, en effet, été d’abord à Koundjata à une trentaine de kilomètres de Djibo puis à Gomblora dans la région de Gaoua avant de se retrouver à Sig-Noghin. Tout d’abord, dans le premier poste : Clovis Ouédraogo dit y avoir eu une panne de groupe électrogène. Ses sollicitations au niveau de Commission provinciale électorale indépendante (CEPI) de Djibo pour se dépanner seraient restées vaines. Il a dû négocier avec les villageois qui l’ont aidé à aller réparer sa machine à Djibo. Ce qui lui a valu deux jours d’inactivité. Quelques jours après son redémarrage dans le même poste, notre enrôleur était en rupture de cartes. Là encore la CEPI n’a pas été en mesure de lui venir en aide. Il lui a fallu appeler Ouagadougou avant d’avoir ses cartes, deux jours plus tard. Donc quatre jours sans enrôlement. Ensuite, dans le deuxième poste, à Gomblora. Là-bas, Clovis assure ne pas avoir enrôlé plus de 39 personnes durant les 15 jours. La principale cause, c’est que les gens n’ont pas les documents requis car ce sont des personnes qui résident entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. Et comme pour les besoins de l’enrôlement les actes de naissance s’établissaient gratuitement dans les mairies, l’opérateur de la CENI renvoyait tout simplement ceux qui n’avaient pas les documents demandés chez le conseiller municipal du village. Malheureusement, celui-ci, en tout cas à en croire notre interlocuteur, n’avait pas le temps pour les demandeurs d’acte de naissance. L’autre doléance de Clovis Ouédraogo, c’est que contrairement aux promesses sécuritaires qui avaient été faites à la signature du contrat, selon lesquelles des agents de police leur seront affectés pour assurer leur sécurité et celle des kits, ils ont été laissés à eux-mêmes dans les différents villages.

 

Virée tout aussi périlleuse, l’enrôlement à Yagma

 

Yagma, le site d’accueil des sinistrés de la capitale des inondations du 1er septembre 2009, à la périphérie ouest de Ouagadougou. Dès notre arrivée dans le village, sous une fine pluie, un fait étonnant retient l’attention : les premiers habitants que nous rencontrons ne savent même pas où se trouve le kit d’enregistrement. Après renseignement, nous tombons finalement sur quelqu’un qui nous conduit au lieu indiqué. Pour toute la bourgade, il n’y a qu’un bureau d’enrôlement abritant deux kits. Et quelle galère pour y accéder en cette saison des pluies ! Ce ne sont en tout cas pas les débarqués de Ouagadougou qui diront le contraire ;  en effet, à environ un kilomètre du site d’enrôlement, notre car de 22 places s’est embourbé. Nous avons dû l’abandonner avec les quelques villageois qui se sont proposés de nous aider. Sur place, l’opérateur nous informe que sa machine vient de se remettre d’une panne de carburant. Ici, pas d’affluence non plus ; seulement cinq femmes patientent sur le banc.  Selon Cheick Oumar Yaméogo, le maître des lieux, la difficulté qu’il a eue, c’est que les listes d’attente étaient souvent trop longues, compte-tenu du fait qu’il n’y a qu’un seul site. Et pour cela, il assure que lui et son aide ont eu à essuyer les injures de certains impatients, leur en voulant de ne pas bien faire leur travail. Cheik Oumar avait à son compteur, à notre passage, 1 484 inscrits depuis le début. Après la discussion avec les enrôleurs de Yagma, nous regagnons notre car sans savoir véritablement ce qui nous y attendait. Nous sommes allés trouver que les villageois, malgré notre leur bonne volonté de nous aider, ne parvenaient pas à nous tirer d’affaire. Lentement mais sûrement, les minutes et les heures s’égrenaient. Entre-temps, un chauffeur, de passage, est venu nous proposer son aide avec son véhicule, une Mitsubishi 4x4. Lui non plus ne pourra nous permettre de reprendre la route de Ouaga. Finalement, nos compagnons d’infortune nous ont fait la proposition de faire appel à un camion-benne ; lequel a pu nous sortir du pétrin après environ trois heures d’attente. Plus de temps à perdre. Direction le centre-ville où rendez-vous est pris avec la Permanence de Tanghin dans l’arrondissement 4. Ici, pas de fait extraordinaire. Seules quelques personnes n’ont pu s’enrôler parce qu’elles ont été victimes des récentes inondations, a dit l’opératrice Yéri Larissa Palé. Demi-tour et direction l’école de Wayalghin, dans le dixième arrondissement.  Là-bas, Ablassé Ouédraogo et les autres membres du bureau ont assisté à l’enrôlement de leur camarde William Ilboudo dans le bureau A. L’enrôleur est à 116 inscrits depuis le début de l’opération.

 

A Dji koffè on est à Bogodogo ou à Saaba ?

 

«Dji koffè», vous connaissez ? Si la réponse est non, c’est cette banlieue qui se trouve de l’autre côté du barrage à Yamtenga, dans l’arrondissement 11. Véritable parcours du combattant pour y accéder. Dès notre arrivée sur le site après plusieurs dizaines de minutes de route entre les six-mètres du non-loti, constat surprenant. La porte du bureau est hermétiquement fermée alors qu’il n’est que 16 heures passées de trente minutes. Il a fallu aller chercher l’opérateur, qui n’était pas bien loin, pour qu’il vienne nous recevoir. La porte ouverte, nous constatons à l’intérieur que tout le matériel est rangé. Joseph Bouena, l’enrôleur, nous explique que son imprimante l’a lâché depuis 14 heures. Et quand il a appelé à la CENI pour avoir de l’aide, on lui a dit de s’apprêter qu’à 17h30 on passerait le chercher pour rentrer. Et donc depuis 14 heures, «j’ai fermé et j’écoute la musique en attendant», dit Joseph. L’autre problème majeur rencontré sur le site depuis le début de l’opération, c’est l’appartenance administrative de Dji koffè. Selon notre interlocuteur, tous ceux qui viennent pour s’enrôler lui demandent si le village est relié à l’arrondissement de Bogodogo ou plutôt à la commune de Saaba. Sans éléments de réponse concrets, il dit avoir contacté la CENI pour se renseigner. Celle-ci lui aurait dit que l’important, c’était que les gens s’enrôlent et après la question serait tranchée. Une situation qui a découragé nombre d’électeurs potentiels puisque certains seraient même revenus demander qu’on détruise leur carte afin de leur permettre de  se faire enrôler dans un autre bureau. Après notre entretien avec l’enrôleur de Dji koffè, nous rebroussons chemin pour venir finir notre tournée à la gare routière de la Patte-d’Oie qui héberge l’un des bureaux d’enrôlement du douzième arrondissement.

 

Le plaidoyer du Faso-autrement

 

Après avoir constaté tous ces dysfonctionnements dans les sept arrondissements visités, Ablassé Ouédraogo et ses camarades, à l’instar de certains responsables de partis politiques de l’opposition, ont décidé de mener un plaidoyer pour l’organisation d’une session de rattrapage pour permettre à tous les Burkinabè en mesure de voter de se faire établir une carte d’électeur. Cette prolongation se justifie, selon le président du Faso-autrement, par le contexte de l’enrôlement caractérisé par la saison pluvieuse, la communication autour de l’opération qui n’a pas permis, selon lui, à tous de disposer de l’information totale. A cette demande, le directeur de la Communication de la CENI, Boris Edson Yaméogo, que nous avons rencontré au bureau de l’arrondissement 12, a répondu que la question n’est pas du ressort de la structure qu’il représente. A l’entendre, la décision d’initier une session de rattrapage revient à la classe politique et au gouvernement en tant que bailleur de la commission électorale. La CENI, elle, n’est qu’une exécutante, au dire de Boris Yaméogo. En tout cas, tous les enrôleurs que nous avons rencontrés au cours de notre périple ont émis un avis favorable à une prolongation de l’opération d’enrôlement. Clovis Ouédraogo a même dit que dans son bureau de Koundjata, les populations lui avaient demandé de rester pour rattraper les quatre jours de chômage qu’il a eus à cause de la panne de groupe électrogène et de la rupture de cartes. Pour Ablassé Ouédraogo, cette prolongation permettrait de satisfaire ceux qui voulaient s’inscrire et qui n’ont pas pu le faire. Si cette requête aboutit, le président du Faso-autrement recommande, pour surmonter certaines lacunes, que la communication associe tous les médias nationaux à l’évènement afin d’atteindre tous les publics. Sur cette même question de la communication, Ablassé Ouédraogo attend que la CENI lui dise ce qu’il y a lieu de faire en cas de perte ou de destruction de la carte d’électeur avant les élections. Par ailleurs, il met en garde contre les intimidations, car, dit-il, «il y a des margoulins qui se permettent d’aller dire aux gens, si vous allez ici, on ne va pas vous donner des vivres». Selon lui, les choses ont changé et les intimidations ne fonctionnent plus. A l’endroit des électeurs, celui qui compte faire les choses autrement au Faso a dit ceci : «Si un politicien vous donne de l’argent, prenez-le et bouffez-le car ce n’est pas son argent. Mais le jour de l’élection, il n’y que l’urne, Dieu et vous seul. Faites donc le bon choix et votez utile !» Tout compte fait, il faut féliciter la CENI et ses opérateurs pour ce qui a été fait, même si pour l’instant on ne peut pas parier sur la fiabilité de la liste électorale qui sera obtenue. A défaut de rallonger l’opération d’enrôlement, il faudra mettre tout en œuvre pour permettre à ceux qui ont pu s’inscrire d’aller exercer leur droit citoyen le 2 décembre prochain.

 

Jaunasse Yaro

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