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4 avril 2012 3 04 /04 /avril /2012 23:48

 

Le pays de Modibo Keita est au bord de l’implosion. La rébellion du Nord évolue avec frénésie, alors que le pays est rejeté par la communauté internationale. La soldatesque putschiste, ayant destitué Amadou Toumani Touré, le président démocratiquement élu, depuis le 22 mars, plus que jamais isolée, commence à paniquer, quémandant des messages de soutien sur tous les ondes. C’est le moment idéal pour expédier ce putsch mort-né six pieds sous terre. Le moment idéal pour tous les Maliens ayant une voix forte pour crier et mettre fin à ce chaos. Hélas.

Interviewé sur la chaîne nationale de télévision malienne, l’homme politique et écrivain fétiche malien, l’un des plus grands classiques de la littérature noire africaine, auteur du très célèbre Sous l’Orage, ce classique lu dans presque toutes écoles africaines francophones, apporte, à demi-mots, son soutien à la junte militaire. Nous sommes un pays en guerre… Il faut une transition courte des militaires avec l’appui de la société civile. Demander aux militaires de retourner immédiatement dans la caserne est irréaliste. Où était la Cedeao quand les rebelles attaquaient les villes du Nord ? Nous sommes des hommes, nous devons tenir, nous avons connu pire que ça lors de l’éclatement de la fédération… Tenons.

Cette déclaration presqu’incroyable de l’un des rares classiques encore vivants de notre littérature, ancien ministre du Mali sous Modibo Keita, fait immédiatement penser à ces propos étonnants et presque cocasses d’André Malraux dans Les Noyers de l’Altenburg, Les intellectuels sont comme les femmes, les militaires les font rêver. Ces militaires putschistes sans grades feraient-ils rêver notre doyen ?

Non ! Parce que dans sa vie d’homme politique, Seydou Badian n’a pas connu une bonne expérience avec les militaires. Emprisonné suite au coup d’Etat de Moussa Traoré en 1968, il a gardé une très mauvaise expérience de ce régime. Il en parle d’ailleurs dans ses interviews, accusant les militaires d’avoir été à la base de l’échec du Mali après les indépendances, en assassinant le nationaliste Modibo Keita. Pour montrer le mauvais impact du régime militaire de Moussa Traoré sur le Mali, Seydou Badian a l’habitude d’évoquer toutes les réalisations du régime de Modibo Keita que les militaires ont durant leur règne sanguinaire vilipendées. Qu’est-ce qui peut donc pousser cet intellectuel, déjà victime de la barbarie sans nom de ces militaires qui se retrouvent au pouvoir, à soutenir, fût-ce à mots couverts, le putsch le plus ridicule et le plus injustifiable de notre époque ?

Tout change, et nous devons vivre avec notre temps, s’insurge un personnage du roman Sous l’Orage. Oui, doyen, tout change, et votre pays, le Mali, doit vivre avec son temps. Si vous n’avez pas pu digérer les militaires en votre temps éloigné, ce n’est pas aujourd’hui, où au prix de leur vie des jeunes épris de liberté et de démocratie se jettent dans les rues pour réclamer leur fierté, dans tous les pays hypothéqués par des potentats hostiles à l’ordre et au développement, que vous devez cautionner un coup d’Etat. C’est une très grande honte pour votre pays, que vous aimez tant, et dont vous parlez avec tant de passion chaque fois qu’on vous en donne l’occasion, que des militaires sortent de leur caserne un soir et viennent subitement briser une démocratie de deux décennies. Une honte ineffable pour le Mali qu’un soldat perdu dans l’anonymat se réveille un matin avec un treillis et se retrouve le soir avec des habits de président de la République dans une république démocratique.

Vous demandez, mentor, de laisser les militaires pour un court temps au pouvoir avant de les contraindre à retourner dans leur caserne après des élections, que les chasser immédiatement à la caserne est irréaliste. Vous connaissez pourtant si bien nos militaires, et les récents exemples de coup d’Etat dans notre sous-région doivent vous montrer qu’ils ne laissent pas facilement le pouvoir une fois qu’ils y goûtent. La Mauritanie et la Guinée sont pourtant si proches du Mali pour vous montrer qu’un militaire qui s’empare du pouvoir ne le cède pas si facilement. En quoi est-il irréaliste de demander à ces messieurs sans objectifs de retourner dans leur caserne ? N’est-ce pas de la caserne qu’ils viennent ?

Que gagnera le Mali avec ces hommes qui prétendent avoir confisqué le pouvoir pour lutter contre les rebelles du Nord, et qui dès leurs premiers communiqués commencent à se plaindre de leur misérable condition, leurs femmes qui ne travaillent pas et qui sont des ménagères, leurs enfants qui n’étudient pas… ? Quelle victoire ces militaires ont-ils déjà marquée sur les rebelles depuis leur putsch il y a plus d’une semaine ? La ville de Kidal vient d’être prise par les rebelles, et on nous affirme à la télévision que l’armée malienne a délibérément arrêté les combats pour protéger les civils de la région. Ces putschistes ont destitué ATT parce qu’il ne matait pas les rebelles, et on les voit se désister devant ces mêmes rebelles, invoquant la protection des civils.

Vous connaissez si bien la géopolitique, doyen. Vous connaissez si bien votre pays. Vous savez, doyen, que votre pays n’a pas les moyens de lutter seul contre la rébellion qui s’approche au jour le jour de son but.  Que votre pays est l’un des plus pauvres de la planète, l’un des plus dépendants d’Afrique. Et avec cette menace d’embargo que brandit la Cedeao que les putschistes et leurs militants ont refusé de recevoir, votre pays sera très rapidement asphyxié. Nous sommes des hommes, dites-vous, tenons. Oui, mais nous ne sommes des hommes, et nous ne pouvons tenir qu’avec la collaboration de nos pays voisins. Vous savez, doyen, que l’acte que les putschistes et leurs adulateurs ont posé en refusant de recevoir la commission de la Cedeao n’est pas un geste patriotique mais un geste d’analphabète, une démonstration d’impolitesse, d’ignorance et d’insolence. Même si le Mali n’a pas de leçon de démocratie à recevoir de la Cedeao comme nous le crient certains intellectuels qui se sont pourtant autoproclamés panafricanistes, c’est une humiliation pour le Mali de se faire confisquer sa démocratie par des militaires analphabètes. A quoi servent ces institutions internationales sous-régionales que nous avons formées pour être plus forts, si nous ne les respectons pas ?

Un jour, toi aussi tu auras soif, mon fils, prophétise un des personnages de votre roman fétiche à son fils. Oui, doyen, nous avons soif. Soif de la démocratie. Soif de régimes solides qui ne chancellent pas. Soif de pays où l’armée sait garder sa place. Soif de pays qui ne nous font pas honte. C’est pourquoi nous dénonçons ce coup d’Etat. Que nous supportons la Cedeao que vous désavouez. Que nous crions aux militaires de retourner dans leur caserne. Immédiatement. Que nous désapprouvons cet orage que vous applaudissez à une main, cher doyen.

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4 avril 2012 3 04 /04 /avril /2012 23:32

Une semaine après le coup d’Etat perpétré contre leur démocratie de deux décennies, des Maliens ont marché à Bamako ce mercredi. Ils ont marché pour exprimer leur soutien aux militaires putschistes. Une réponse à leurs concitoyens qui ont manifesté il y a quelques jours pour dénoncer le coup d’Etat et exiger le retour à l’ordre constitutionnel.

Le grand nombre des manifestants pro-putschistes contrastait étrangement avec la froideur avec laquelle les Maliens avaient accueilli le putsch il y a une semaine. Un observateur de cette crise depuis son début se demanderait comment tout ce grand groupe a subitement commencé à approuver le coup d’Etat. La réponse, au-delà des déclarations et des devises des manifestants, se lisait sur les pancartes à travers les slogans, A bas la France, Nous ne voulons pas de l’ingérence de la France dans nos affaires, A bas la Cedeao, A bas Sarkozy… La plupart des manifestants, plus qu’ils ne soutenaient le putsch, dénonçaient l’acharnement de la France et de ses alliés contre la junte militaire putschiste. Et comme la France s’acharne contre la junte, il faut défendre cette dernière, au nom de la revanche des Africains sur l’ancienne puissance colonisatrice, au nom de la fierté et de l’honneur de l’Afrique. Non, donc, à l’ingérence de la France dans les affaires africaines, quitte à sacrifier une démocratie de vingt ans.

Du coup, pour la plus grande partie des défenseurs des putschistes, tous les alliés de la France dans la crise malienne sont subitement devenus des ennemis du Mali, des ennemis de la junte bienfaitrice qui est là pour redresser la démocratie. A bas la Cedeao, A bas l’Union africaine, A bas l’Uemoa… Tous les chefs d’Etat de la Cedeao, toutes les institutions internationales, tous les organismes non gouvernementaux qui aidaient le Mali, tous les partenaires, toutes les banques… sont devenus des ennemis du Mali, juste parce qu’ils ont adopté la même position que la France vis-à-vis du putsch. Cette France qui protégeait Amadou Toumani Touré, disent-ils, et qui voulait le maintenir au pouvoir pour continuer à piller le Mali.

La France, ah, la France et nous ! Si elle n’avait pas existé, cette France-là, il aurait fallu l’inventer pour que nous puissions exister, nous. Bizarre, cette force que nous avons à retrouver ce pays partout où nous nous retrouvons face à notre destin, cette foi que nous avons, que nous nourrissons au jour le jour, au rythme de nos paresses, de nos échecs et de nos déceptions, que ce pays a toujours quelque chose à voir avec la marche de notre continent. La France est désormais devenue ce fantôme que nous voyons dans tous nos cauchemars. La France esclavagiste, colonisatrice, néocolonialiste… est désormais devenue le guide de notre destin, et qui peut, juste d’un petit geste de la main, changer nos convictions les plus profondes.

Justifier ce putsch par le laxisme du président Amadou Toumani Touré dans sa gestion de la rébellion touareg – Dieu seul sait qu’il a vraiment été laxiste dans cette affaire, ou sa gestion catastrophique du Mali devenu l’un des pays les plus corrompus d’Afrique noire, n’est que pure logique. Mais soutenir ce groupe de militaires sans grades qui n’ont jusqu’ici présenté à la population aucun programme de lutte contre la rébellion, aucune mesure de sécurisation du pays, aucun programme de transition… soutenir donc ce groupe de mutins opportunistes juste parce que la France s’oppose à eux est de la démence, de la pure imbécilité. Ce n’est pas du patriotisme, mais du chauvinisme, un chauvinisme de sot. Un chauvinisme analphabète et idiot.

Il est temps que nous comprenions, Africains, que tant que nous ne cesserons pas de mettre la France là où elle ne doit jamais être, nous passerons tout notre temps à être les éternels damnés de la terre, regardant les autres évoluer avec cette aigreur qui se lit toujours dans le regard de ceux qui ne peuvent jamais rien réussir, et qui expliquent toujours leur échec par les autres. Et justement, là où la France ne doit pas être, c’est la première place de nos préoccupations. Là où nous l’avons placée depuis les premiers jours de nos indépendances, là où nous la plaçons chaque fois que nous avons un problème.

Peuple malien, notre pays est aujourd’hui confronté à un grand danger. Notre démocratie de vingt ans est menacée par des militaires sans objectifs et moyens. Voilà une semaine qu’ils sont au pouvoir sans être parvenus à sécuriser Bamako. Une semaine que nous sommes pillés. Une semaine que la rébellion, qui se targue sur tous les ondes de ne plus avoir de résistance de la part de l’armée malienne, progresse à grands pas, volant de victoire en victoire. Une semaine que notre pays est isolé du reste du monde. Une semaine que nous ne travaillons plus avec la même quiétude qu’avant. Une semaine que nous ne savons plus quand nous irons aux urnes. Une semaine que nos institutions sont dissoutes. Une semaine que certains de nos ministres sont emprisonnés sans raison ! Cette junte isolée ne peut rien contre la rébellion au Nord, une rébellion qui ne la reconnaît même pas. Le Mali ne peut, seul, rien contre cette rébellion si lourdement armée et déterminée. Ce coup d’Etat imbécile doit échouer. Impérativement ! S’il passe, le Mali et même les autres pays de notre sous-région ne connaîtront plus jamais des régimes stables. Les militaires chercheront désormais toutes les brèches pour se jeter sur le pouvoir.

Là où nous devons tous être aujourd’hui, peuple malien, c’est du côté de notre démocratie fracturée. De notre sécurité perdue. De notre quiétude bafouée. Peu importe là où la France veut bien se positionner. Nous devons, aujourd’hui, accepter de nous joindre à tous les pays, toutes les associations, toutes les institutions qui veulent bien nous aider à sauver notre pays. Ce n’est pas aujourd’hui, avec cette crise qui commence sérieusement à nous inquiéter, que nous prendrons sur la France toutes les revanches que nous avons contre elle accumulées depuis des décennies.

Notre haine contre elle de nous avoir colonisés, de nous voler nos ressources, d’avoir réduit en cendres la Libye… nous ne pouvons rien lui retourner dans notre condition actuelle. Car notre condition actuelle est celle d’un pays fragilisé par une cruelle rébellion, dont veut profiter un groupe de soldats aigris révoltés contre leur misérable condition sociale.

Que nous soyons pour ou contre ATT, nous devons tous aujourd’hui, Maliens, nous aligner derrière la Cedeao, renvoyer cette junte opportuniste et analphabète à la caserne, trouver une solution à la rébellion avec un gouvernement civil, et rapidement organiser des élections. Nous savons tous de quel côté se trouve aujourd’hui le salut de notre pays. Et ce n’est pas à notre haine contre la France de décider. Mais nous. Nous seuls.

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22 mars 2012 4 22 /03 /mars /2012 21:25

es militaires ont annoncé jeudi avoir renversé le régime au pouvoir au Mali après plusieurs heures d'affrontements, l'accusant d'incompétence dans la lutte contre la rébellion touareg et les groupes islamistes dans le nord du pays.

 

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